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ATOME MEDIAS

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RÉPARER LES VIVANTS de KATELL QUILLÉVÉRÉ actuellement sur les écrans

Publié par www.matthieulamarque.fr sur 24 Octobre 2016, 02:40am

Catégories : #ACTUALITES, #CINEMA, #PAU, #LIVRE, #INTERVIEW, #SANTE

RÉPARER LES VIVANTS de  KATELL QUILLÉVÉRÉ actuellement sur les écrans

RÉPARER LES VIVANTS, sortie le 1 novembre

UN FILM DE KATELL QUILLÉVÉRÉ

avec TAHAR RAHIM . EMMANUELLE SEIGNER . ANNE DORVAL,  BOULI LANNERS, KOOL SHEN, ALICE TAGLIONI et  DOMINIQUE BLANC

D’APRÈS LE ROMAN DE MAYLIS DE KERANGAL PARU AUX ÉDITIONS GALLIMARD / VERTICALES

 

Le titre de ce film peut faire écho de manières très différentes. Tout d’abord , il y aura ceux qui penseront au roman de Maylis de Kerangal, best-seller de l’année 2014, et ils auront raison puisque c’est son adaptation cinématographique. Ensuite, il y aura ceux qui penseront au titre emprunté à Tchekhov « Enterrer les morts, réparer les vivants » que l’on retrouve dans Platonov. On entend les tirades, on voit les corps se tordre comme chez le regretté Patrice Chéreau, c'est une tragédie, avec unité de temps, de lieu et d'action. Evidemment ils n’auront pas tort eux non plus. Puis il y a ceux qui ne connaitrons ni l’un, ni l’autre. Et justement, pour ces personnes qui souhaitent découvrir ce bijou cinématographique de la façon la plus neutre possible, je vous conseille d’éviter de voir la bande annonce et de ne pas lire l’entretien avec la réalisatrice. La place aux émotions et au ressenti, est trop importante et ne doit pas être gâchée.

Ce film est une belle adaptation du roman. KATELL QUILLÉVÉRÉ a su filmer avec bienveillance les personnages de cette terrible histoire où la mort et la vie ne font plus qu’un. C’est l’histoire d’un cœur en voyage, celui d’un garçon amoureux qui part vers une femme qui ne se donne plus le droit de l’être. Autour de ce cœur, il y aura plein de gens. Des gens tristes et des gens heureux. Des gens encore vivants. Après son précédent film Suzanne, la réalisatrice réussi à nouveau un tour de force en adaptant ce roman à succès. Un autre aurait pu se planter, pas Katell. C’est une personne qui parle du cinéma avec ses tripes et son cœur. Elle aime les gens dont elle raconte l’histoire. Elle les magnifie avec sa caméra loin du sensationnel et du pathos. Aussi, elle réussit à faire avec ce film un magnifique hommage au personnel soignant. Ces gens qui peuvent côtoyer la vie et la mort à quelques secondes d’intervalles. Tous les acteurs de ce casting incroyable y sont parfaits, comme Anne Dorval, égérie de Xavier Dolan, qui perd son accent québécois et sa folie habituelle pour jouer cette dame malade.

Vous n’aviez pas lu le livre ? Alors foncez voir le film avant que l’on vous gâche le plaisir de le découvrir en vous racontant l’histoire.

ENTRETIEN AVEC KATELL QUILLÉVÉRÉ

D’où est venu le désir d’adapter le roman de Maylis de Kerangal ?

C’est David Thion, co-producteur du film, qui m’a offert Réparer les vivants, quelques jours après sa sortie. Il avait adoré ce livre et pensait qu’il pourrait me plaire. J’avais déjà lu deux autres romans de Maylis de Kerangal – Corniche Kennedy et Naissance d’un pont – et j’ai dévoré celui-ci en cinq heures, avec une évidence très forte : je devais essayer d’en faire un film. J’ai fait confiance à la puissance de mon désir, qui était au départ très instinctif, mais dont j’ai mieux compris les raisons profondes pendant l’écriture du scénario. Il entrait une part de catharsis dans ce projet, l’envie de transformer mon propre vécu de l’hôpital. Finalement, cette adaptation m’est tout aussi personnelle que mes films précédents. Et puis ce livre était la promesse d’une aventure cinématographique très forte. À travers le voyage de cet organe, il y avait la possibilité de filmer le corps de manière à la fois anatomique, poétique, métaphysique… Comment filme-t-on l’intérieur du vivant, que transgresse-t-on en explorant cet endroit-là ? Ce défi de cinéma, mélangeant trivial et sacré me renvoyait à mon premier long métrage, UN POISON VIOLENT. Par ailleurs, je venais de découvrir avec fascination The Knick, la série de Soderbergh sur les débuts de la chirurgie. Je trouvais passionnant d’avoir la possibilité de représenter des scènes d’opération.

Comment s’est passée la rencontre avec Maylis de Kerangal et le travail d’adaptation avec Gilles Taurand ?

Obtenir les droits du roman a pris du temps. Nous étions nombreux à être tombés amoureux de ce livre. Finalement, Maylis de Kerangal nous a choisis, Gilles Taurand et moi, et nous a fait confiance. Dès le début, elle ne souhaitait pas écrire avec nous mais elle avait un droit de regard sur l’écriture. À chaque étape importante. du scénario, on se retrouvait et on discutait. J’avais à cœur de respecter le roman dans son essence si particulière qui mêle exigence documentaire et puissance émotionnelle, lyrique. Je me sentais aussi très responsable devant l’ambition humaniste de cette histoire. Nous avons avancé très simplement dans l’écriture en nous posant des questions concrètes page après page : qu’est-ce qui est du cinéma ? Qu’est-ce qui ne peut pas en être ? Qu’est-ce qu’on garde, qu’est-ce qu’on enlève ou ajoute ? Nous savions que c’était dans le travail que le film allait se trouver, présager de ce que serait le scénario était impossible.

SUZANNE était centré sur peu de personnages et se déroulait sur 20 ans. RÉPARER LES VIVANTS met en scène une multiplicité de rôles sur 24 heures…

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de faire cette adaptation : pour me lancer un nouveau défi de narration, de temporalité. J’ai le désir de faire des films ouverts sur le public qui ne cèdent rien à mon exigence vis à vis du cinéma, en tant que langage. Je voulais construire un récit qui ne soit ni une chronique, ni un film choral, un film de relais, sans personnage principal. Tout l’enjeu de l’écriture (au scénario puis montage) était de parvenir au juste équilibre, pour que chacun trouve sa place et existe dans son espace et son élan de vie. Il fallait que par les moyens du cinéma, on soit suffisamment pris au niveau sensoriel pour se laisser emporter dans un pur mouvement. Chaque personnage, tout en ayant une identité très forte, est le maillon d’une chaîne suspendue entre une mort et une vie. Le cœur du film est la question du lien entre ces individus et comment s’organise cette chaîne pour prolonger une vie, pour transformer la mort.

Malgré la mort qui fauche la jeunesse au début du film, vous êtes constamment du côté de la vie…

Cette histoire prend en charge tout ce que la vie peut avoir de chaotique, de violent : comment une vie peut être fauchée et en même temps, comment la pulsion de vie peut être plus forte et transformer la mort. Et comment on peut se guérir du scandale de ce qu’est une perte. Cette question de la résilience et de la luminosité d’un trajet était déjà présente dans mes précédents films, notamment SUZANNE, hanté par la perte d’une mère. J’avais envie de raconter cette histoire du coté des vivants et de ceux qui restent.

Dans le roman, le personnage de la receveuse n’est d’ailleurs pas aussi développé…

Quand on lit un livre, on peut faire une pause quand on veut, on s’attarde ou non sur des choses pour y déployer son imaginaire… Le cinéma se vit de manière beaucoup plus matricielle : tu es dans le noir, on te donne à voir, on t’enferme dans une durée. J’ai donc très vite pensé que le film aurait besoin de davantage de résilience pour que cette histoire reste supportable. D’où le choix d’être davantage du côté de la receveuse. Qui va recevoir ce cœur ? Derrière cette interrogation s’en cache une autre : qui potentiellement le mérite ? Cette question est archaïque et irrationnelle mais on se la pose forcément. Je trouvais fort que Maylis n’ait pas choisi un enfant ou un adolescent mais une femme de cinquante ans qui est à un moment de sa vie où elle peut se demander ce qui lui reste à vivre. Et si elle a envie de le vivre. C’est très beau de questionner le désir d’une femme à cet âge-là. Dans le roman, on sait juste que cette femme a deux fils, il est question d’un ancien amant aussi qui lui rend visite… Avec Gilles nous étions convaincus qu’il fallait qu’elle ait un trajet sentimental qui la renvoie à son envie de vivre, quasiment de renaître avec ce nouveau cœur. Et aussi à l’histoire d’amour naissante de Simon. Quelque chose se transmet aussi à cet endroit. C’est le cœur d’un amoureux qu’elle reçoit.

 

L’infirmière qui parle à Simon pourtant plongé dans le coma apporte d’emblée une note métaphysique au film…

La mort cérébrale est la mort technique, officielle, juridique… Et puis il y a la mort symbolique, affective, qui passe par le cœur. À quel moment vraiment accepte-t-on la mort ? L’adieu à Simon ne se fait réellement qu’une fois que son cœur le quitte et je voulais faire vivre cette contradiction au spectateur. Pour dire adieu à quelqu’un, il faut et il faudra toujours du rituel. D’où le personnage de Thomas qui fait écouter le bruit des vagues à Simon, comme il l’avait promis à ses parents. On bascule alors d’un moment hyper technique à un moment onirique.

 

RÉPARER LES VIVANTS raconte aussi l’ampleur des moyens mis en œuvre par toute une communauté pour sauver une seule vie…

Le don d’organes se fonde vraiment sur un principe de solidarité, ne serait-ce que du point de vue du droit. En France, à partir du moment où tu n’as pas dit que tu étais opposé à donner tes organes, tu es un donneur potentiel. Ces principes structurent la pensée de notre société, du comment vivre ensemble. L’idée qu’une communauté mette tout en œuvre pour qu’une vie se prolonge est très belle et je voulais montrer comment cela s’organise : affréter un avion, prévoir des taxis, des flics, des chirurgiens de pointe. Cela coûte de l’argent mais tout le monde y a droit. J’espère avoir fait un film humaniste qui redonne la sensation du lien, de ce que ça peut vouloir dire de se sentir appartenir à une famille, un groupe, à une société. Je trouve que c’est très important aujourd’hui par rapport à beaucoup de choses que l’on traverse. Un cœur s’arrête de battre pour prolonger la vie d’un autre… c’est un grand voyage, pendant lequel l’individu reconnaît son appartenance à une chaîne, à un « Tout ». Il est relié.

 

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